.01 - Fall in loveD'aussi loin que je me souvienne, je n'étais pas une personne comme les autres. Dès le départ, à ma naissance, j'étais née miraculée... Je ne respirais pas au départ et puis d'un coup, comme une bénédiction à ma naissance, mon cœur se mit à battre et les hurlements retentissaient dans la petite pièce d'une vieille maison. Je grandissais dans ce petit coin de paradis à côté de ma mère et de mon frère. Mon père travaillait d'arrache-pied. Isolés, nous n'étions pas des personnes particulièrement connues, sauf au travers du travail de notre père.
En grandissant, mon frère se rendait à l'école ou ce que l'on pouvait appeler une école à l'époque. Dans le plus grand des secrets, en échange de mon silence sur ses bêtises de l'époque, le soir, mon frère m'apprenait à lire. Puis, il partit à la guerre, mon ainé de presque 6 ans, partait défendre la patrie. À partir de ce jour-là, plus jamais nous l'avions revu. Je continuais à lire en secret, j'empruntais des livres par-ci par-là... J'arrivais à m'introduire dans la bibliothèque pour prendre des bouquins. Un soir, après un vol, je me rentrais chez moi pour me délecter de la beauté de ses mots quand dans l'ombre, une giclée de sang arrivait contre ma joue.
Je restais là, stupéfaite, incapable de bouger. Ses yeux marqués par des veines noires, son regard rouge vif, elle ressemblait au diable. Dans un silence presque effrayant, elle s'approchait de moi, penchée la tête pour prononcer ces mots.
« Tu n'as pas peur ? » D'un geste négatif de la tête, je lui répondais dans le plus grand des silences pour qu'elle ne se fasse pas prendre. J'avais lu les légendes sur eux, je les connaissais presque par cœur. Je n'avais pas rêvé, elle existait. Des monstres éternels, qui vivaient de sang, qui ne connaissait pas la maladie, ni ne craignait la mort. Des vampires qui vivaient comme bon leurs sembler peu importait leurs sexes ou leurs différences.
Je détestais ma condition, être née femme était presque un blasphème... J'étais vouée à me marier et à être manipulée... Je ne valais rien pour la société et d'autant plus de par ma différence. Une peau légèrement bronzée... Il ne faisait pas bon vivre pour les gens comme moi surtout à l'époque. Comme un mauvais cauchemar, je me réveillais en sursaut dans mon lit. Les mois suivirent et de nombreux événements changèrent ma vie à jamais. Le premier était mon obsession soudaine pour les légendes urbaines. Je dévorais des livres entiers à ce sujet-là, dans le plus grand des secrets. Le second était l'évolution rapide et surprenante de mon père, qui nous permit d'atteindre le titre de nouveau riche, la bourgeoisie. Et la troisième, ma rencontre avec lui.
C'était lors d'une grande réception, une énième grande réception que je haïssais plus que tout. Le travail de mon père nous avait offert le luxe de vivre en paix ou presque... Mais ça n'avait ouvert qu'un peu plus les possibilités de m'utiliser comme une marchandise. Si seulement, si seulement je pouvais être libre comme les oiseaux, ou fuir plus vite qu'une biche... Si seulement, je n'avais pas ce poids sur les épaules. L'enfant vivant... Quelle plaie, quelle plaie d'être ici, ce soir-là. Dans un coin, je priais pour ne pas être vue, qu'on finisse par m'oublier et que je pourrais prendre la fuite de ce monde horrible où la femme n'avait clairement pas sa place.
Alors que ma mère gloussait vulgairement avec des femmes de la noblesse, comme si elle avait notre identité, qu'il y avait encore quelques mois, on vivait dans la boue ou presque. Je ne disais rien, un verre d'eau dans la main, j'observais la lune, désintéressé de ce mensonge perpétuel. Alors que ma mère m'interpellait, je croisais son regard. Il s'accrochait au mien, identique à ma lassitude. Cette sensation remplissait mon corps entier d'une chaleur qui ne s'expliquait pas, celle de ne plus être seule, de ne plus être la seule à m'ennuyer ici.
« Azaline, je vais te présenter à un jeune homme, il est noble. Comporte-toi correctement ! Et ne dis rien face à tes idées... De folie concernant les femmes et le droit des enfants, d'accord ? Fais-toi bien voir pour une fois ! ».
Absorbée par son regard, je me laissais traîner à ma mère jusqu'à lui, son frère. Je n'arrivais pas à le quitter des yeux, partout. Je faisais une salutation polie, en soulevant ma robe, un petit sourire malicieux. M'avait-il envoûté ?
« Je m'appelle Azaline Valin, je suis ravie de faire votre connaissance ! » Puis, la soirée se déroulait plus agréablement que je ne l'imaginais. Moi, je ne voulais que vivre, je voulais défendre la personne que j'étais. Femme, légèrement métissée, encore une enfant que l'on voulait partout marier. À quel âge devrais-je avoir des enfants ? À quel âge devrais-je mourir pour mon mari qui se trouvera une remplaçante ? Ce n'était pas ce genre de vie que je voulais avoir. Je voulais être libre.
Nous rentions avec ma mère, remise de mes émotions, je souriais seulement, bêtement. Était-ce ça, l'amour avec un grand A ? En marchant dans la nuit trop sombre de par les nuages qui cachaient la lune, ma mère quémandait devant la cours, elle me laissait attendre devant les chevaux. Des jeunes hommes se dirigeaient vers moi, d'environ 10 ans de plus que moi. Ils riaient si fort. Peut-être que la boisson les empêchait d'avoir un peu de bons sens. Ma condition de femme ne me permettait pas de dire quoi que ce soit. Alors je me tus, je me faisais toute petite pour espérer qu'ils ne me remarquaient pas.
« Oh mais voilà une dame... Ou plutôt une jeune demoiselle. Ohhh, mais que vois-je, c'est la fille des Valin, c'est voleur ! Haaaaaaa, tu sais ce que l'on fait aux petites-bourgeoises, qui ne connaissaient pas le goût de l'argent ou du titre ? » Je reculais par instinct, les chevaux commençaient à s'affoler. Eux aussi percevaient le danger... Alors qu'il collait son visage à mien, il murmurait en passant une main sur le haut de ma poitrine.
« On les dévore. Et ne recrache que les os. Hein ? Petite catin, c'était ce que tu attendais de nous ? De nous vider jusqu'à la moelle, de prendre notre argent. En attendant, tu prendras bien un peu de mon... » Je venais de lui mettre la plus grande claque de l'univers.
Le bruit résonnait tellement fort, ma main virait au rouge vif.
« Ne vous approchez pas de moi, sale rat ! Votre titre ou votre argent, j'en ai que faire ! Je ne veux pas avoir un lien avec des brigands comme vous ! » La colère se lisait dans ses yeux, il me bloquait contre la carriole, à m'en faire mal. Je gémissais de douleur alors qu'il resserrait son emprise sur mes bras. Une larme perlait sur ma joue. La douleur d'être prise au piège, la douleur de ne pas avoir le pouvoir de le repousser, ni même la possibilité de le faire. Je n'avais pas le droit de me battre, ni même de riposter. Je finirais sur l'échafaud avant même d'avoir le temps de dire ouf. J'allais mourir ici ? Il commençait à passer ses mains sur moi quand soudainement, une servante me rejoignait.
« Mademoiselle Valin ? Est-ce que tout va bien ? J'ai cru entendre mon prénom ! » Je l'observais sans rien dire alors qu'il me relâchait doucement.
« Je n'en ai pas fini avec toi, catin ! » Je serrais les dents alors que je montais dans la voiture, libérée de ce fardeau.
Après cet événement, j'eus du mal à m'en remettre. Je me débrouillais pour ne jamais recroiser son chemin. J'espérais qu'il n'en parlait à personne pour que je ne puisse pas causer du tort à ma famille. Ils avaient travaillé si dur pour en arriver là. Les années passèrent et je les passais, dans le plus grand des secrets, dans les draps de ce charmant jeune homme. Lui aussi était différent. Il était exceptionnel, en tout point. Il était unique. Je l'aimais. De tout mon être. Il était le seul et unique homme que je voulais dans ma vie, dont le toucher me rendait folle, dont le souffle me faisait frissonner. Il me faisait vibrer, il pouvait même me briser s'il le voulait, j'en étais éperdument et secrètement amoureuse. Bloqués par nos titres, nous allions être face à une fâcheuse situation, qui allait nous obliger à nous aimer à l'éternité, à nous aimer pour ne jamais plus nous quitter. L'église ne voudrait plus de nous, mais je voulais de lui. Alors, Leonard recherchait un être éternel pour nous transformer à notre tour, nous offrir la liberté dont on rêvait tout. La transformation était bien plus violente que je ne l'imaginais et se nourrir d'humain était... Tellement satisfaisant.
Il nous avait transformés, sur tous les points. Nous avions soif de vengeance de par notre mise à l'écart. Nous voulions nous venger. Nous voulions mettre à feu et à sang ce qui nous avait fait tant souffrir. La vengeance avait été violente, amusante et délicieusement partagée. Nous avions retrouvé ses deux hommes. Un, sans sa tête avait servi de mise en garde pour celui qui avait osé me toucher. Celui qui avait posé ses mains de sale rat sur moi. Le deuxième, nous l'avions torturé. Au bord de la folie et de la paranoïa, nous l'avions achevé. Il se souviendra du visage qu'il l'avait tué. Le mien. Après l'apogée de nos vengeances, nous étions partis. Une femme m'avait accusé, elle avait mis toute l'église sur mon dos et avec cela, évidemment l'ensemble de ses foutus chasseurs de vampires. Pour les humains, j'étais une femme du diable, mais pour les autres, j'étais une vampire, capable de tout. Ils ne savaient pas au combien ils avaient raison. Leonard représentait absolument tout mon monde, une seule blessure, une seule chose pouvait me rendre folle de rage et je pouvais être amenée à faire de réels massacres. Plus personne ne se mettra en travers de notre chemin, plus personne.
Les années de fuite pour être en paix, de nombreuses trahisons, nous obligeait à entasser une montagne de cadavres derrière nous. Sans même un regret... Oh non, il n'y avait plus de pitié, plus désormais que j'avais le pouvoir d'anéantir chaque être qui me faisait du tort. Nous combattions souvent et il existait encore que très peu d'hommes qui connaissaient notre visage et qui avaient encore notre confiance. L'éternité avec Léonard, peu importe les obstacles était, sans aucun doute, la meilleure décision de ma vie. Pourtant, mon cœur se tourmentait par ce manque surprenant de ne pas avoir de descendance. Voir grandir un enfant, le voir vivre, le voir ressembler à son père... Jamais je ne pourrais l'avoir. Dans ma peine, Leonard ne pouvait pas l'accepter. Comme l'homme le plus fidèle, loyal et amoureux que je connaissais en ce monde, il m'offrit ce qu'il me manquait. On les choisissait, à l'image de notre souffrance passée. Ils étaient tous différents à leurs manières, tous reniés de leurs époques. On les transforma pour leur offrir un foyer, un amour inconditionnel, une famille. Tout ce dont nous avions besoin. 3 enfants Valin, j'étais une femme comblée.
Mais dans ce monde, rien ne se déroulait comme nous le voulions, n'est-ce pas ? Après plusieurs années de cohabitation, nous étions trahis par le premier enfant. Je ne pourrais expliquer la peine que j'avais ressentie à cet instant précis. Une profonde haine et surtout une grande tristesse avaient rempli mon cœur. Il n'en fallait pas plus pour que l'homme de ma vie et de ma non-vie ouvrît la chasse au traître. Voilà pourquoi, nous étions arrivés à Mystic Falls. Nous cherchions notre ainé pour lui reprendre ce que nous lui avions donné : L'éternité. Mais serais-je capable de lui prendre cela ? L'enfant que j'avais aimé comme mon propre sang ? L'enfant que je voyais comme l'héritage même de nos combats... Les humains, tous les êtres ne méritaient pas notre confiance, nous l'avions constaté à plusieurs reprises. Seuls les enfants étaient les êtres les plus purs de ce monde... Alors pourquoi avait-il fallu qu'on soit trahis par lui(elle) ? Je n'étais pas venue ici pour jouer de la flûte, oh non ! J'avais des choses à régler à Mystic Falls et peut-être que fera de cette ville, notre pied-à-terre pour l'éternité.
Alors que mes crocs frôlaient la jugulaire d'un pauvre petit être faible, la voix tremblait, il me demandait
« Mais qui êtes-vous ? ». Je relevais la tête vers lui, un large sourire sur les lèvres, je répondais le plus calmement possible, droit dans les yeux.
« Une très....très... Très.... Mauvaise personne ! Mais crois-moi, tu vas adorer ça ! »